Ce que le COVID-19 nous apprend sur le changement – épisode 3

Épisode 3 – Comment motiver l’Éléphant pour en faire votre allié ?
Mais qu’est-ce qu’un pachyderme vient faire dans cette histoire ? Pour comprendre, revenez à l’épisode 1
Pensez-vous qu’être convaincu est suffisant pour changer ? Est-ce vraiment votre raison qui vous commande de rester chez vous et de vous laver les mains ?
Dans les épisodes précédents, nous avons vu que notre part rationnelle (le Conducteur) et le reste – un ensemble d’émotions et d’automatismes (l’Éléphant), sont souvent en contradiction. Ce matin, j’en ai encore fait l’expérience en entendant sonner mon réveil…
Dans la plupart des organisations, le changement est abordé avec un excès de rationalité. Cela s’explique par le fait que les personnes en charge de mettre en œuvre un changement sont généralement convaincues du bien-fondé de leur action. Puisque les raisons de changer leur paraissent claires, leur premier réflexe est d’expliquer et de convaincre. Le second, lorsqu’ils se heurtent aux résistances, est de chercher à combattre ce qu’ils reçoivent comme un manque de lucidité ou comme de la mauvaise volonté.
La réalité est tout autre. Si la raison est nécessaire pour savoir comment orienter son effort (cf. épisode 2 : comment donner une direction au Conducteur), le mouvement s’opère seulement lorsque le cœur est de la partie. Réussir un changement, c’est aussi mobiliser l’Éléphant.
1. Touchez la corde sensible
Ce sont les émotions qui fournissent l’énergie du changement. Pour remettre en question nos modes de fonctionnement habituels, nous avons besoins d’être touchés, marqués, impactés, bouleversés… plus forte sera l’émotion, plus fort sera l’engagement.
Si vous respectez le confinement, ce n’est pas par calcul rationnel. C’est parce que vous contribuez ainsi à sauver des vies. La raison prouve le bien-fondé de votre action. Mais votre action est d’abord soutenue par l’émotion – l’Éléphant.
Pour la même raison, il est toujours bon d’expliquer qu’aucune pénurie de papier toilette n’est à redouter… mais la ruée vers le rayon « hygiène » sera probablement mieux régulée par le foisonnement de vidéos humoristiques tournant ce comportement en dérision.
Susciter les émotions, mais attention : pas n’importe lesquelles ! Contrairement à une croyance répandue, les émotions positives sont beaucoup plus efficaces que la peur. La peur suscite des réactions violentes et instantanées… à court terme. Le message « restez chez vous ou mourrez dans d’atroces souffrances », accompagnées d’images chocs vous incitera effectivement à vous barricader. Mais il ne mobilisera pas votre engagement dans la durée. Et encore moins les comportements nécessaires pour surmonter une crise tels que la solidarité, l’ouverture ou la créativité.
De ce point de vue, je ne suis pas convaincu par l’axe de communication choisi par le Gouvernement : la métaphore guerrière, déjà trop employée dans les entreprises. On peut rapidement s’unir face à un ennemi commun, mais dans la durée, l’union sera plus profonde lorsqu’il s’agit de relever un défi ensemble ou d’accomplir rêve.
2. Faites appel au sentiment d’identité
Les émotions sont plus puissantes lorsqu’elles sont partagées. Le changement obéit aussi à une dynamique sociale. Comme l’affirmait James March, sociologue et professeur à Stanford, nos choix et comportements sont souvent fondés sur trois questions : 1. Qui suis-je ? 2. A quelle situation suis-je confronté ? 3. Que ferait quelqu’un comme moi dans cette situation ?
Les comportements de reproduction sociale peuvent être des freins ou des accélérateurs du changement. Dès qu’une masse critique est atteinte, embrasser la dynamique devient une nécessité, parce que les gens se disent : « je veux faire partie de ceux qui contribuent : en soutenant le personnel soignant, en respectant la distanciation sociale, en aidant mes voisins dépendants, en éduquant mes enfants… » Et là encore, on remarque la supériorité des sentiments positifs sur la peur.
D’un point de vue pratique, il est inutile d’essayer de convaincre les réfractaires. Mieux vaut donner aux alliés la possibilité de se reconnaître (sans quoi ils pourraient avoir l’impression d’être marginaux) et de s’exprimer pour lancer la dynamique.
Des rituels sociaux comme applaudir chaque jour à 20h sur son balcon sont pour cela très efficaces.
3. Encouragez, gratifiez, remportez de petites victoires
La plus grande faiblesse de notre Éléphant, c’est d’être rebuté par l’effort, en particulier lorsque celui-ci ne s’accompagne d’aucune gratification immédiate. En revanche, il est capable du meilleur et fait preuve d’une incroyable énergie quand le vent du succès lui grise les oreilles !
En effet, l’Éléphant carbure à la dopamine ! Il a besoin d’être en permanence encouragé et conforté. Ne sommes-nous donc capables d’aucun effort de volonté pour persévérer ? Justement, nous avons tendance à nous montrer beaucoup plus persévérants lorsque nous évitons de trop compter sur notre seule volonté (car l’Éléphant l’emporte sur le Conducteur, cf. épisode 1).
Il est crucial, pour entretenir la dynamique, de valoriser chaque réussite, même minime, de partager chaque bonne nouvelle. Un grand succès est une suite de petites victoires : chacune fournit l’énergie nécessaire pour s’attaquer à d’autres défis.
Par conséquent, j’appelle les médias et les politiques à se montrer résolument positifs. A laisser de côté les mécaniques de la peur et les métaphores guerrières dont on nous rebat continuellement les oreilles. Nous aurons besoin de cœur, de générosité et d’unité pour surmonter cette crise, et plus encore, pour reconstruire l’après.