Ce que le COVID-19 nous apprend sur le changement – épisode 2

changement

Comment donner une direction au Conducteur ?

Vous est-il arrivé de savoir ce que vous voulez mais d’être incapables de vous y tenir ?

Lorsque nous appelons un changement chez les autres, nous sommes souvent surpris par leur immobilisme… Les raisons de changer ont été clairement expliquées et l’enjeu semble évident (dans le cas du COVID-19, sauver des centaines de milliers de vies). Alors, qu’est-ce qui cloche ? Pourquoi les gens s’entassent-ils dans les parcs alors qu’on leur dit d’éviter les contacts ?

Dans l’épisode précédent, la métaphore du Conducteur et de l’Éléphant illustrait à quel point notre part rationnelle (le Conducteur) exerce un contrôle précaire sur nos émotions et automatismes (l’Éléphant). En cas de désaccord entre les deux, le Conducteur ne fait pas le poids. C’est ici que se trouve la source de bon nombre de nos contradictions, et c’est avec elles qu’il faudra composer.

Tout d’abord, cessons de parler de « résistance au changement » !

Dessin de Fix

Le terme est chargé de jugement : il implique qu’il faut convaincre des abrutis qui n’ont rien compris ou qui y mettent de la mauvaise volonté… si jamais vous avez l’impression que c’est le cas, peu importe : regarder les choses sous cet angle ne vous sera d’aucune utilité. Au contraire !

Partons plutôt du principe suivant : ce qui semble être de la résistance est souvent un manque de clarté.

 

1. Donnez de la clarté : convertissez une idée générale en gestes précis

Prenons l’exemple de Florence et Laurent. A la question « qu’avez-vous fait le week-end précédant le confinement », ils vous répondent : « Nous étions avec des amis. Mais nous avons fait attention : nous avons évité les contacts physiques –d’ailleurs cela fait deux semaines que nous disons bonjour de loin à tout notre entourage et lavons nos mains plusieurs fois par jour. Nous sommes restés en cercle restreint, avec des personnes que nous voyons souvent et dont les enfants jouent tous les jours avec les nôtres… si l’un de nous avait été infecté, nous nous serions déjà certainement transmis le virus. Nous sommes allés au parc, dans un endroit où il n’y avait pas foule : nous sommes restés à plusieurs mètres des autres gens. »

Il serait très injuste d’accuser ce jeune couple sympathique d’avoir fait preuve de légèreté ou de mauvaise volonté. En réalité, ils ont bel et bien fait des efforts. Et il en va de même pour des millions de français le même week-end. Il est facile de fustiger le manque de civisme.

La réalité, c’est que personne ne peut appliquer avec cohérence des injonctions floues comme « gardez-vos distances », « évitez les rassemblements » ou « limitez vos sorties » car chacun, de bonne foi, les adapte.

Pour mettre en œuvre de nouveaux comportements, nous avons besoin de consignes précises telles que : « n’approchez personne à moins d’un mètre », « ne touchez pas les poignées de portes et les digicodes à main nue », « ne sortez de chez vous que pour faire vos courses ». Ou encore, comme Florence et Laurent l’ont demandé à leurs enfants lorsqu’ils se lavent les mains : chantez deux fois « petit escargot » avant de les rincer !

 

2. Éliminez l’ambiguïté

L’ambiguïté est la principale ennemie du changement car elle paralyse notre Conducteur. Face à un trop grand nombre de choix possibles, nous remettons la décision à plus tard (donc nous ne changeons rien)

Pour mettre en évidence ce mécanisme, Sheena Lyengar, étudiante de Stanford, avait réalisé l’expérience suivante à l’entrée d’une épicerie : installer un stand de dégustation de confitures où était proposé, en fonction des jours, 6 ou 24 parfums différents. Dans le premier cas, avec un choix réduit, les clients étaient 6 fois plus enclins à acheter un pot à l’issue de leur dégustation.

La complexité et l’ambiguïté empêchent la mise en action. Tout comme il est nécessaire de convertir un principe général en gestes précis, éviter les exceptions est d’une importance critique.

Une population ne peut appliquer les bons gestes lorsqu’elle est soumise à des informations trop nombreuses et contradictoires comme : « allez voter, mais évitez les parcs et lieux de rassemblement » ou « limitez vos déplacements » (en continuant travailler et à prendre les transports en communs).

Laissons de côté les remarques sur le civisme des français. Face à une telle ambiguïté et par un beau soleil, l’Éléphant ne peut faire autrement que revenir au galop ! Reconnaissons aussi que, même si tout est loin d’être parfait, nos compatriotes appliquent les mesures préconisées avec beaucoup plus de sérieux depuis la mise en œuvre du confinement et les annonces faites à cette occasion par les autorités.

Un détail, cependant, me chiffonne encore : est-ce que l’un d’entre vous a compris quelque-chose à ce qui est permis ou non en matière de « sortie pour prendre l’air ou faire de l’exercice physique » ?

3. Partagez une vision et faites preuve de pédagogie

Enfin, pour amener la population à changer son comportement, ne négligeons pas la pédagogie. Il est vain de croire qu’expliquer les choses suffit à faire changer (car l’Éléphant est plus fort que le conducteur). Cependant, il est toujours payant de s’adresser au bon sens et à l’intelligence.

Par ordre de priorité, donner des consignes claires et éliminer l’ambiguïté doivent passer en premier. Mais une fois cette condition remplie, il est souhaitable d’expliquer les raisons et enjeux de l’effort demandé. Dans le cas du COVID-19, il est important de rendre accessible à tous la notion de courbe épidémique, de propagation en chaîne et de montrer l’efficacité de la distanciation sociale.

Ce travail de pédagogie est nécessaire à l’apparition du civisme. Il permet d’unir une population (ou du moins une majorité, car on ne peut jamais convaincre tout le monde) derrière un but commun. Et qui sait ? Lui donner l’occasion de se découvrir des capacités de coopération insoupçonnées ? Ou encore le goût de participer ensemble à un effort commun ?

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