Comment devient-on « Chief Bullshit Officer »​?

Cet été, en plein mois d’août, alors que nous étions tous soit en train de barboter les pieds dans l’eau, soit en train d’humer les cimes des montagnes de notre beau pays, a paru, dans l’indifférence générale, la mise à jour 2017 de l’enquête Gallup « State of the Global Work Place ».

Rappelez-vous, cette étude avait fait grand bruit en 2014. Elle identifiait, dans l’ensemble des pays du monde, le niveau d’engagement des salariés dans leur travail, qu’il s’agisse de salariés du privé, du public, de petites entreprises, de micro-entreprises, de grandes entreprises. Bref, tout le monde était concerné.

A l’époque, la France était parmi les mauvais élèves puisque 9% des collaborateurs français se déclaraient activement engagés dans leur entreprise. L’étude parue cet été, indique que 6% des collaborateurs se déclarent engagés. Notez bien que le activement a disparu.

Pourquoi ce résultat ? Parce qu’ils considèrent que leur emploi est un « bullshit job », ou emploi à la con en français.

Malheureusement le terme « bullshit job » n’est que la conséquence d’un job, très en vogue depuis quelques années : le « Chief Bullshit Officer ».

Comment devient-on « Chief Bullshit Officer » ? Le titre est difficile à définir, car un peu comme une mauvaise grippe, il existe différentes souches de virus, et modestement, je vous en propose 3.

1)     Tout d’abord, le CBO parle une nouvelle langue, le globish (mélange de franglais), complété par des acronymes vides de sens. Le dessin de FX en est le parfait exemple:

Je vous mets également au défi de m’expliquer ce que veulent dire les titres « chargé de mission » ou « chef de projet » ou « planificateur stratégique »… Ces mots valise ne veulent rien dire, on y range tout et n’importe quoi. Comment voulez-vous qu’on comprenne ce que font les gens dans les entreprises, si on ne comprend pas déjà leur titre ou leur fonction ?

2)    Le « Chief Bullshit Officer » est un trouillard. Il prône l’excellence, même s’il ne se l’applique pas forcément à lui-même, et déteste les erreurs et échecs. Il aimerait que l’avenir soit complètement prévisible, et cette aversion pour le risque a pour conséquence de multiplier, de façon exponentielle, le nombre de réunions. On se réunit pour décider, sachant qu’on ne décide rien. Combien de réunions se terminent-elles par des relevés de décisions clairs et précis ?

3) Parce que c’est un trouillard, il exécute et respecte les ordres. Philippe Manœuvre, critique Rock le plus célèbre de France, publie ses mémoires. En préface de son ouvrage, une phrase de Bob Dylan illustre la posture qu’on aimerait voir plus souvent dans les entreprises: « pour être honnête, il faut être hors la loi ».

Être hors la loi, dans les entreprises, c’est refuser la dictature du compte de résultat et du free cash-flow. La plupart de ces « Chiefs Bullshit Officers » sont incapables d’expliquer pourquoi on devrait travailler avec eux, dans leur équipe. Quand on leur demande, ils répondent « pour survivre, pour gagner des parts de marché, pour réduire les pertes  » ou « parce que nous n’avons pas le choix ».

On en vient donc au cœur du problème : c’est parce qu’on a perdu le sens dans l’entreprise et qu’on est focalisé sur le résultat, que tout effort de management devient inefficace, et que les « Chiefs Bullshit Officers » pullulent.

Pour conclure, peut-être vous reconnaissez-vous un peu, beaucoup, pas du tout, dans cette description. Rassurez-vous, comme une mauvaise grippe, la maladie peut s’éradiquer plus ou moins facilement.

Malheureusement, comme je l’ai indiqué au début de cet article, le Chief Bullshit Officer est multiforme.

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