« Tous ensemble »​, ou la mythologie mensongère du collectif

Par le passé, j’ai souvent écrit sur l’intérêt de s’inspirer des coachs sportifs pour manager dans nos entreprises.

Les parallèles entre le management en entreprise et celui d’une équipe de sportifs professionnels sont séduisants. L’un de mes confrères me faisait remarquer qu’il faut se méfier des parallèles car il s’agit de droites qui ne se croisent jamais. Parlons donc de regards croisés.

Notre nouveau titre de Champion du Monde de Football, gagné cet été, contribue grandement à la propagande du collectif comme impératif catégorique (dixit les philosophes) pour réussir dans l’entreprise.

Bien entendu, recevoir Zidane, Deschamps dans votre entreprise reste un souvenir inoubliable. Sont-ils, pour autant, les messies du management de nos organisations ? La réponse est non, et ce, pour deux raisons.

Première raison : Une équipe de foot joue pour gagner. Les règles sont connues, elle joue des matchs tous les week-ends. A la fin de la saison, elle est classée par rapport à ses concurrents. En clair, elle joue à un jeu fini. Dans l’entreprise, c’est l’inverse. Nous jouons un jeu infini où les règles changent en permanence, le nombre de joueurs également. Une équipe de foot professionnelle joue contre un adversaire pour gagner. Dans une entreprise on joue contre soi-même pour progresser sans cesse, puisque le jeu ne s’arrête jamais.

Seconde raison : Quand j’interroge de prestigieux entraîneurs sur ce qui constitue le succès d’une équipe, aucun ne me répond: « le collectif, bien sûr !»

C’est d’abord le talent individuel des joueurs qui fait la différence. Mais qu’est-ce que le talent ? A part quelques extra-terrestres qui se comptent sur les doigts de la main (Pelé, Maradona ou Mbappé) le talent renvoie à l’exigence individuelle et au travail. C’est parce que les entraînements sont plus durs que les matchs, que les matchs sont faciles, me répète régulièrement Christophe Urios, coach de rugby champion de France 2018 avec le Castres Olympique.

Faut-il pour autant jeter aux orties le management des coachs sportifs ? Les regards croisés seraient-ils impossibles ? La réponse est non pour 3 raisons.

1.      Le sens est le supplément d’âme du collectif

Ce qui a motivé Didier Deschamps, ce n’est pas gagner des matchs mais de marquer l’histoire du foot et de l’équipe de France, en remportant une seconde étoile, l’une en tant que joueur, l’autre en tant qu’entraîneur. Il est donc animé par une ambition, un meilleur futur possible pour lui-même et ses joueurs, bien plus inspirant qu’une simple défaite ou une simple victoire.

2.      Les valeurs sont le ciment de la relation

Que ce soit dans une entreprise ou dans une équipe de sportifs professionnels, ce qui donne un supplément d’âme au collectif renvoie aux valeurs. Les valeurs ne sont pas des mots affichés sur les murs des entreprises où personne ne s’y reconnaît (à part le comité de Direction et les consultants qui les ont aidés à les formaliser). Les valeurs, ce sont les comportements au quotidien, qui font que les gens sont heureux d’être ensemble.

3.      Le leader sait gérer les injonctions paradoxales

Que vous soyez manager ou coach sportif professionnel, vous devez, en permanence gérer des injonctions paradoxales. Par exemple, comment concilier routines et surprises en même temps ?

Le leader c’est quelqu’un qui sait créer des moments de surprise, car ceux-ci génèrent de la joie, de la sérénité. Bref, des émotions positives qui contribuent à la performance d’équipe, que ce soit sur un terrain de sport ou dans un open-space.

Pour conclure, j’ai évoqué récemment un poste très en vogue; le « Chief Bullshit Officer ». Je militerai volontiers pour la création d’un poste qui s’intitulerait « Chief Vision Officer », dont la fonction serait de partager une vision dans l’entreprise pour que les collaborateurs sachent réellement à quels jeux ils jouent.

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