L’entreprise libérée n’est-elle qu’une idée séduisante ?

Bonjour à tous !
Aujourd’hui nous abordons avec vous un thème d’actualité : l’entreprise libérée.
Une récente conférence organisée par les anciens élèves des Arts et Métiers nous a laissé entre enthousiasme et déception.
Enthousiasme car les échanges étaient nombreux, passionnés et passionnants.
Déception car la réalité des entreprises françaises est très éloignée de l’idée séduisante qu’est l’entreprise libérée.
Paul Valéry disait que toutes les idées séduisantes ne sont pas justes et toutes les idées justes ne sont pas séduisantes. L’entreprise libérée serait-elle une idée séduisante mais pas une idée juste ?
Elle ne serait pas juste car c’est une idée qui ne se diffuse pas. Les quelques entreprises françaises toujours citées en exemple depuis plus de 5 ans sont toujours les mêmes : Poult, Favi, Chronoflex.
Nous pensons que trois raisons freinent le succès de l’entreprise libérée :
1ere raison : L’entreprise libérée s’inscrit sur un temps long et non pas sur un temps court
Poult a démarré en 2007 sa démarche, avant même l’existence du concept de l’entreprise libérée. En 2015, les entreprises, et notamment les grandes entreprises, sont pilotées sur du très court terme avec une pression du « quarter », du budget mensuel et du cours quotidien de bourse. Libérer son entreprise cela prend du temps car il faut s’attaquer aux habitudes en place, aux croyances et faire face à de nombreuses résistances (dirigeants, managers, partenaires sociaux, actionnaires).
Comment accorder le temps court de la rentabilité avec le temps long du changement culturel ?
- 2ème raison : On ne sait pas calculer le ROI d’une entreprise libérée
Lorsqu’on pose la question à Poult, «avez-vous évalué le gain de performance en espèces sonnantes et trébuchantes généré par la mise en place de l’entreprise libérée ?» la réponse à double détente est plutôt savoureuse.
«Vouloir calculer le ROI de l’entreprise libérée, c’est repartir vers le management scientifique du début du XXième siècle. Poult est devenu une entreprise libérée en déhiérarchisant, en simplifiant les procédures et le reporting .Nous n’allons pas faire marche arrière ».
« Nous n’avons jamais calculé l’impact de l’entreprise libérée sur le ROI et n’en voyons pas l’intérêt. L’objectif de Poult, c’est de faire que les gens soient heureux, autonomes et travaillent en équipe. Une équipe ce sont des gens qui se font du bien ensemble ».
Tout le monde est d’accord pour dire que le bien-être au travail contribue à la performance mais ce n’est pas le cours du bonheur qui est coté en bourse c’est celui d’actions ou d’obligations.
Trop souvent ce qui empêche de passer de l’intention à l’action sur le sujet de l’entreprise libérée, c’est de ne pas avoir de réponses aux questions : « combien cela va me rapporter ? » et, « est-ce que l’on est sûr que cela va marcher ? ».
La non réponse à ces deux questions est anxiogène pour les dirigeants qui veulent libérer leur entreprise car, même ceux qui ont réussi tel Poult, ne sont pas capables de l’estimer.
- 3ème raison, conséquence des deux premières : Les dirigeants ne semblent ni convaincus ni impliqués.
90 % du public assistant à des interventions sur le thème de l’entreprise libérée ou du bien-être au travail n’est pas composé de Présidents Directeurs Généraux mais de cadres dirigeants opérationnels, de DRH, de DSI.
Chez Poult, l’initialisation de la démarche de l’entreprise a été menée par le Directeur Général. Seul le patron peut dire « On sort du cadre et on va faire autrement ». Il faut être un peu perché pour aller contre la pensée unique. Il a d’ailleurs pris 3 décisions fondatrices :
- Le titre de manager a été supprimé et remplacé par technicien de progrès.
- Le budget n’est plus un outil de pilotage managérial.
- Les rémunérations et les investissements ne sont pas décidés par le comité de direction mais par une assemblée représentant l’ensemble des catégories du personnel.
Imaginez-vous votre Président Directeur Général prendre ces 3 décisions ?
Que faire alors ?
Sommes-nous condamnés à travailler dans des entreprises emprisonnées, dirigées par des patrons exploiteurs ?
Non, bien sûr. Ayez en tête que le concept de l’entreprise libérée ne doit pas être un objectif mais un chemin.
Vouloir se métamorphoser du jour au lendemain en Poult, Chronoflex est un conte de fées qui ne résiste pas à la pression quotidienne du KPI, Reporting et celle du Business Process Réingeniering.
Par quel premier pas commencer sur le chemin de l’entreprise libérée ? Tout dépend de vous et de votre point de départ.
Nous vous proposons de commencer le voyage en vous posant et en posant à vos coéquipiers trois questions.
- Que pouvons-nous faire pour donner davantage de marge de manœuvre et d’autonomie au sein de notre équipe ?
- Comment pouvons-nous progresser sur ce qui compte vraiment dans notre travail ?
- Comment pouvons-nous contribuer à faire quelque chose qui ait davantage de sens ?
Le ciel vous tienne en joie
Isabelle Charbit et Frédéric Rey-Millet
Priscilla
14 octobre 2015 at 14 h 24 min