Et si la prime de fin d’année n’était pas un cadeau ?

Vous est-il arrivé de recevoir à Noël des cadeaux mal inspirés ? Vous savez, ces machins, dont vous n’osez pas vous débarrasser (parce que ce sont quand même des cadeaux), alors qu’ils ne vous font pas plaisir, et abiment même un peu votre relation avec la personne qui vous l’a offert (comment a-t-il pu m’offrir ce truc !?)

Et si la prime de fin d’année de vos collaborateurs entrait dans cette catégorie ? Ils n’imaginent pas la refuser (avouez que ce serait bête…), pourtant la satisfaction qu’elle apporte est à relativiser, et le risque qu’elle pollue la relation au travail et à l’entreprise est bien réel.

Impossible, direz-vous ? Attendez donc de lire la suite !

Quand les primes dévoilent leur vrai visage…

Les primes sont considérées comme un instrument de motivation et comme un levier pour valoriser les bonnes contributions individuelles. Mais, leur efficacité dans ce sens n’est pas très claire… car elles peuvent aussi avoir l’effet inverse !

La partie visible d’une prime, c’est (a priori) la reconnaissance qu’elle apporte à l’instant où elle est donnée. Cet effet existe bel et bien et impacte positivement la motivation. Mais attention, il est de courte durée : pensez-vous que la prime de décembre agit encore beaucoup sur le moral en mars ?

Le côté obscur, ce sont les effets secondaires, néfastes et durables, d’une politique de primes sur l’atmosphère et l’environnement de travail. Quels sont, par exemple, les effets de la frustration chez ceux qui n’ont pas eu de prime, ou qui la jugent insuffisante ? Quelles tensions peuvent apparaître, plus ou moins larvées, entre les collaborateurs qui comparent leurs primes ? Combien de temps perdent les managers à se contorsionner pour partager leur enveloppe ? Et pour finir, quelle perte d’efficacité résulte des fonctionnements en silo, maintenus (entre autres) par des primes qui focalisent sur l’atteinte d’objectifs individuels au détriment d’une performance plus globale ?

Bien qu’elles donnent de l’énergie sur le moment (comme un shot de caféine), les primes peuvent, à long terme, dégrader insidieusement le cadre de travail… et pour finir, le rendre moins satisfaisant et motivant.

Faut-il faire disparaître les primes ?

Pas forcément, car le problème n’est pas tant dans la prime elle-même que dans la manière et l’esprit dans lequel elle est attribuée.

Pour commencer, les effets néfastes n’apparaissent que lorsque la récompense est conditionnelle, prévisible et attendue. Par conséquent, une prime reçue de manière inattendue (tout en restant basée sur des critères objectifs), aura un impact positif sur la motivation (pour en savoir plus, (re)lisez cet article).

Par ailleurs, on peut veiller à ce qu’une prime encourage la coopération plutôt que les performances individuelles. Partons du principe que, dans un travail d’équipe, il est difficile d’attribuer un bon résultat à une personne plutôt qu’une autre. Le meilleur buteur du championnat serait-il aussi remarquable sans les passes millimétrées de ses coéquipiers ? Il est difficile de juger la valeur des contributions indirectes. Par exemple, même si Hugo n’est pas aussi productif que certains collègues, l’équipe serait-elle aussi performante sans son humour et sa capacité à mettre les gens à l’aise face aux difficultés ?

Et pour finir, admettons que nous supprimions totalement les primes. Certains rétorqueraient (avec raison), qu’ils attendent davantage qu’un « merci » quand leurs performances contribuent à un bon résultat pour l’entreprise ! Et ce, indépendamment de la qualité de l’esprit d’équipe ou de leur satisfaction au travail. Ici, il ne s’agit pas tant de reconnaissance que d’équité.

Par conséquent, il ne s’agit pas d’en finir totalement avec les primes, mais d’avoir un système (1) équitable au regard des résultats, (2) favorisant la coopération, et (3), ne créant pas une culture strictement donnant-donnant génératrice de tensions et de désengagement.

Existe-t-il d’autres manières de reconnaître la performance ?

Pour répondre à cette question, nous vous proposons deux pistes de solutions : l’intéressement collectif et les peer-bonus (primes attribuées par ses pairs).

La première solution est de remplacer les primes par un intéressement collectif au résultat de l’entreprise. Par exemple, Chronoflex, tous les 6 mois, partage 15% de son résultat à part égale entre tous les salariés. Et ça marche : d’après ses dirigeants, cette mesure a généré tellement d’engagement et de coopération qu’après son application, l’entreprise a vu son chiffre d’affaires augmenter de 15% !

Une deuxième solution, celle des peer-bonus, a été appliquée à grande échelle par Google. Le principe est simple : chaque collaborateur dispose de quelques centaines d’euros par an qu’il peut répartir entre les personnes de son choix (excepté lui-même). Le montant de votre prime ne dépend donc plus de votre hiérarchie mais de l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise.
Parenthèse : expliquer le système des peer-bonus en détail et répondre aux questions qui vous viennent peut-être sur son équité et ses biais potentiels pourrait faire l’objet d’un article à part entière (et cet article viendra… raison de plus pour vous abonner au Club EthiK !). Fin de parenthèse.
Pour l’instant, nous ne retiendrons que deux aspects positifs : les peer-bonus apportent, aux dires des googlers, beaucoup plus de reconnaissance qu’une prime accordée par la hiérarchie. Et d’autre part, ils sont plus efficaces pour récompenser la coopération et les contributions indirectes (comme les compétences relationnelles d’Hugo dans l’exemple précédent).

 

Pour conclure, avouez que la situation est assez paradoxale… Puisque recevoir une prime fait plaisir, pourquoi son attribution devrait-elle être un sujet qui fâche ?

A défaut d’être exhaustif, nous espérons que cet article vous aura fait réfléchir à cette question délicate et entrevoir quelques pistes pour que les « cadeaux de fin d’année » soient utilisés à meilleur escient et qu’ils n’empoisonnent plus la vie et la performance de votre entreprise !

 

 

 

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